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Noël célébré dans la langue de Jésus

Par Claire Riobé

La Syriaque a été une langue de culture majeure en Syrie et Mésopotamie entre les IIe et XIIIe siècle. La christianisation a fait de cette forme d’araméen une langue de culture, qui perdure encore aujourd’hui. Le syriaque est, avec le grec et le latin, la troisième composante linguistique du christianisme ancien. Fondée par les apôtres Pierre et Paul dès le Ier siècle ap. J.-C., l’église d’Antioche est à l’origine de l’église syriaque (aussi appelée église syrienne). Cette spiritualité est marquée par l’ascétisme et une liturgie héritée des premiers chrétiens de Jérusalem et est dotée d’un riche patrimoine d’hymnes. À ses origines l’église syriaque rejette l’influence grecque et refuse la définition du concile de chalcédoine (451 ap. J.-C.), reconnaissant les natures humaine et divine du christ. L’église syriaque-orthodoxe compte aujourd’hui près de 300 000 fidèles, son patriarche, Ignace Éphrem II Karim, siège à Damas.

Le prêtre s’appelle Abouna Shimon. Et pour sûr, il l’aime, cette fête de Noël. Ses yeux brillent et s’animent lorsqu’il parle de ce mystère, célébré par les chrétiens du monde entier. Abouna Shimon est syriaque. Arrivé à Jérusalem il y a une trentaine d’années, Abouna Shimon est au service du vicariat patriarcal syriaque orthodoxe. Un peu voûté, enfoncé dans un fauteuil du monastère Saint-Marc, il nous raconte cette fête de Noël en communauté.

Bethléem, d’abord. Et l’antique procession qui traverse la place de la crèche le 6 janvier au matin, partant du couvent arménien, marque le début des cérémonies. Le temps froid et sec à cette période de l’année, ne rebute pas fidèles. L’atmosphère est solennelle mais joyeuse.  L’air est rempli du son des tambours et cornemuses des groupes scouts de la ville mais aussi de Jérusalem. Selon la tradition, les syriaques orthodoxes font leur entrée dans la basilique de la Nativité après celle des grecs.

Vient ensuite le temps de rencontre avec la délégation de l’Autorité palestinienne. Sur le parvis de la basilique, la délégation offre ses bons vœux aux grecs, puis à la communauté syriaque. “C’est rapide, juste le temps de faire une photo!

15 h sonne: la communauté syriaque orthodoxe descend dans la grotte de la Nativité, et officie la première de ses trois célébrations de Noël.

Mais la fête de Noël est aussi le temps de l’attente. Cela est d’autant plus vrai à Bethléem, où toutes les communautés chrétiennes célèbrent dans la même église et se succèdent tout au long de la journée. Les syriaques orthodoxes doivent ainsi attendre minuit avant de pouvoir débuter la deuxième de leurs célébrations de Noël, la encore - question de tradition - c’est dans le transept nord, sur un petit autel qui ne paie pas de mine, qu’ils vont célébrer le cœur de leur liturgie qui va durer de cinq heures.

Dans ce renfoncement à la sortie des escaliers qui arrivent de la grotte de la Nativité, les heures se succèdent au rythme des hymnes anciens. “Nous attachons une très grande importance au chant”, explique le père Shimon. Dans le chœur femmes et hommes entonnent alternativement les psaumes et antiennes en hommage à l’enfant nouveau-né. La petite assemblée est composée d’une quarantaine de fidèles, dont la plupart viennent des familles syriaques orthodoxes des villages voisins.

Entre Bethléem et Jérusalem la communauté syriaque de Terre sainte compte environ 3000 fidèles (quelques familles vivant également à Jéricho, Ramallah et Nazareth). “Nous sommes relativement peu lors des célébrations de Noël, car la communauté syriaque est petite”. Abouna Shimon rencontre davantage de fidèles à Pâques, considérée comme la fête la plus importante de la liturgie chrétienne devant Noël.

Le 7 janvier a lieu la dernière des trois célébrations de Noël des syriaques orthodoxes. Le clergé se réunit au petit matin pour la lecture de l’Évangile de saint Luc dans la basilique, puis dans la grotte de la Nativité. Les festivités se terminent dans l’après-midi au couvent arménien, avant que les membres du clergé ne repartent chacun de leur côté vers Jérusalem. Les familles, elles, célèbrent Noël en famille.

Abouna Shimon se redresse dans son fauteuil et replace son couvre-chef sur son front dé- garni. Malgré sa fatigue apparente le prêtre tient à terminer son récit. “La mosaïque de rites et de traditions que l’on observe chez les différentes communautés chrétiennes”, notamment à l’occasion de Noël, ne doit pas faire oublier au monde que “ce temps est celui de la paix”. Une petite flamme s’est allumée au fond de son regard. Me prenant les mains, il explique à quel point les chrétiens de Terre sainte doivent chercher à s’aimer et à entrer en relation les uns avec les autres. Lui souhaiterait entretenir davantage de liens avec les autres membres des clergés des Églises locales. Il conclut “En ce temps de Noël, il nous faut échanger, non pas pour que chaque communauté se mette en valeur vis-à-vis des pèlerins de passage, mais vraiment au nom de Jésus, au nom de son amour, car nous sommes tous frères”.

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