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Daniel Munayer : ˝Les chrétiens peuvent jouer un rôle alternatif, celui de la réconciliation˝

Chrétien palestinien de 31 ans, Daniel est le directeur général de Musalaha, une ONG chrétienne qui a fait de la réconciliation une théorie et l’applique au conflit israélo-palestinien. Après un brillant parcours universitaire en pays anglo-saxons, il a choisi de revenir à Jérusalem, où il estime que sa présence sera plus utile.

- Par Cécile Lemoine

Qu’est ce qui a motivé votre retour en Terre Sainte ?

Mes études m’ont familiarisé avec les différentes théologies de libération et de réconciliation. Je me suis demandé : si je veux, en tant que chrétien, consacrer ma vie à faire le bien, essayer d’avoir une empreinte positive, où serai-je plus efficace, ici ou à Londres ? Clairement, c’était ici. À cause de mon identité, de mon parcours, de mes compétences linguistiques, mais aussi de mon réseau. Il y a tout de même eu un processus de réflexion, parce que j’avais de belles offres de travail à Londres. C’était tentant de rester. Il est plus simple de construire sa vie en dehors de la Terre Sainte : moins de difficultés sociales, financières, politiques… Mais j’ai toujours su qu’il était nécessaire de revenir, justement parce que les chrétiens partent et provoquent une fuite de cerveaux. Un sentiment d’obligation, quelque part, même si j’ai toujours considéré ma foi comme liée à ce peuple et à cette terre. Les chrétiens palestiniens sont une composante importante du mouvement vers la justice et la libération de tous les Palestiniens.

Les chrétiens ont donc un rôle à jouer en Terre Sainte ?

Oui bien sûr. La question est de savoir quel est ce rôle et quelle position nous voulons adopter. Aujourd’hui beaucoup de chrétiens s’isolent, évitent toute confrontation et n’interagissent pas avec les autres communautés. Certains chrétiens, souvent riches et laïcs, considèrent que tout le monde est pareil, sans reconnaître les différences entre les groupes. D’autres veulent plaire aux puissants, comme certains Palestiniens évangéliques, ou ces chrétiens “araméens” qui s’engagent dans l’armée israélienne pour s’intégrer dans la société juive israélienne. Certains optent pour la violence ou rejettent tout ce qui est lié à Israël. Je crois que nous, chrétiens, avons une responsabilité morale envers nos voisins juifs israéliens, celle de les libérer de leur racisme. Nous devons les confronter, leur exposer pourquoi ce suprémacisme nuit autant à leur société qu’à la nôtre. Le rôle qui nous revient est un rôle alternatif, celui de la réconciliation.

Réconciliation. C’est la traduction du nom de votre organisation, “Musalaha”. Qu’y faites-vous ?

C’est un moyen de rétablir la relation. Pour qu’il y ait réconciliation, quatre éléments doivent être réunis : la vérité, la justice, la responsabilité historique et l’examen des structures juridiques et de pouvoir afin de restructurer le cadre pour que tout le monde bénéficie d’une égalité totale des chances. C’est loin d’être le cas aujourd’hui, alors nous travaillons en ce sens grâce à des cours, des programmes pour rapprocher chrétiens et musulmans, Palestiniens et Israéliens, basés sur les principes bibliques de la réconciliation. Nous visons les femmes, les jeunes, les responsables de la société civile... La réconciliation est un chemin constructif qui permet d’obtenir la justice et la libération des Palestiniens, sans que cela se fasse au détriment des juifs israéliens.

Quelle vision, quel rêve avez-vous pour la Terre Sainte ?

Que tous les habitants de cette terre vivent dans un cadre qui offre une égalité totale en termes de droits civiques et de droits de l’homme. Que chaque communauté soit en mesure d’exprimer et de célébrer son identité, sans que cela se fasse au détriment des autres. C’est impossible à l’heure actuelle, dans ce contexte de projet sioniste et colonisateur. Le rêve doit venir des juifs israéliens. Mais ils doivent repenser leur projet et leur identité. Il n’y aura pas de solution sans eux.

Pourquoi lui ? Faire le pont


Solidarité
La passion de Daniel pour la justice l’amène aussi à s’engager sur le terrain comme ici à la Tente des Nations à Bethléem.

Né à Jérusalem d’un père chrétien palestinien citoyen d’Israël et d’une mère britannique, Daniel a été éduqué dans une école juive israélienne avant de poursuivre des études de management à l’Université de Durham au Royaume-Uni, puis de relations internationales et religieuses à l’American University de Washington D.C. Parce qu’il comprend et navigue aussi bien dans les mondes juif israélien que chrétien palestinien et international, Daniel tente de créer des ponts entre chaque. En mai 2022 le Conseil de sécurité des Nations-Unies l’a invité à parler de réconciliation lors d’une réunion d’information sur la situation au Moyen-Orient.

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